Les Vigond maîtres de poste à Cercles


Du nouveau sur les Vigond maîtres de poste du relais de Cercles et sur la route postale Limoges Bordeaux (1600-1750)


Les renseignements des registres paroissiaux et des actes notariaux

Les registres paroissiaux

Jusqu’à la Révolution, ce qui relève aujourd’hui de l’état civil, naissances, décès et mariages, était dans les mains du clergé. Ce sont donc les curés des différentes paroisses qui vont tenir pendant la période qui nous intéresse, 1600-1750, les registres d’état civil.
L’acte officiel instituant la tenue obligatoire de « registres des baptêmes et des sépultures »  date de 1539, c’est l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée par François 1er, la même ordonnance qui fera obligation d’utiliser le Français dans tous les actes officiels.
Ce n’est qu’en 1579 que seront créés les registres de mariages. Enfin en 1667 une ordonnance dite de Saint-Germain-en-Laye rend obligatoire le tenue en double des registres, réduisant fortement la perte des informations pour cause de guerres, troubles ou incendies. Un exemplaire dit « grosse » était conservé par le greffe de la sénéchaussée, l’autre « minute », après avoir été visée revenait entre les mains du curé. Mais cette pratique mettra du temps à s’imposer et les premiers registres sont trop souvent perdus ou très dégradés.
En ce qui concerne Cercles ces registres vont de 1662 à 1792, pour La Tour-Blanche de 1682 à 1792. Ils comportent parfois quelques pages illisibles ou déchirées mais pour l’essentiel ces registres contiennent de précieux renseignements.

Les actes notariaux

La deuxième source d’information sur la vie locale, ce sont les actes des notaires ayant exercé sur les territoires de La Tour Blanche, Cercles, Chapdeuil, Bourg des Maisons, Cherval. Dans les actes de ces notaires on trouve les transactions achats/ventes mais aussi les testaments, les inventaires de biens, les relevés de conclusions d’assemblées de la fabrique, les rôles d’imposition.
Ces notaires sont : Montozon (1685-1728) à Bourg des Maisons et Chapdeuil, Bertaud de la Rambaudie (1678-1767) et Chillaud-Desfarges (1765-1808) à la Tour Blanche et Cercles ; Deladoyre Pierre (1721-1771), Luguet-Desgranges Jean Baptiste (1771-1828), Montozon (1685-1728) au Chapdeuil.
C’est en poursuivant l’étude de ces registres paroissiaux et des actes notariaux que j’ai pu établir de manière quasi sure la succession des quatre générations de Maîtres de poste de Cercles, la localisation du relais dans le bourg de Cercles et quelques indications supplémentaires sur le trajet de la route postale dans notre secteur.

Quatre générations de Maîtres de poste

Au cours de recherches précédentes j’avais identifié trois maîtres de poste, de 1665 à 1749, date de la fin de la route postale Limoges Bordeaux passant par Cercles (1750 exactement, mais le dernier Vigond maître de poste décède en 1749).
Un document essentiel me permet d’en ajouter un autre avant 1665, il s’agit de l’inventaire des biens de Pierre Vigond Maître de Poste décédé le 28 janvier 1686 dans le relais de poste. L’inventaire sera fait par le Notaire Montauzon1 le 3 février 1686.
Cet acte va nous fournir de nombreux renseignements sur la famille Vigond et permettre de compléter une généalogie qui comportait quelques « trous », d’établir une « radiographie » d’un petit relais de poste comme était celui de Cercles, et de le localiser dans le bourg grâce à la description des bâtiments parcourus.
Le plus ancien Vigond Maître de Poste à Cercles s’appelle donc Jean Vigond. Il décède en 1642, son fils Pierre lui succède jusqu’à son décès en 1686.
Nous pouvons donc dire que les Vigond ont été titulaires de l’office de maître de poste durant la quasi-totalité du fonctionnement de cette route postale. Avec cependant une inconnue pendant approximativement les 20 premières années de l’existence de cette voie postale et une autre inconnue pendant la période de la Fronde en 1652-53 où Pierre Vigond semble être évincé par les frondeurs au profit d’un certain Bauvays.
L’inventaire nous renseigne également sur les achats de terres effectués d’abord par Jean Vigond, en 1639,1640 (deux achats), 1641, 1642 (par sa veuve ce qui permet d’affirmer qu’il est mort entre 1641 et 1642) et sur les achats de terres de son fils Pierre Vigond qui reprennent à partir de 1660 (deux achats), 1661.

Généalogie des Vigond

Cet inventaire des biens de Pierre Vigond nous donne de nouveaux renseignements sur sa famille. François Vigond son fils, qui va prendre la charge, se fait accompagner de deux cousins : Léonard Valchoumard praticien et Jean Boutin de la Richardie, ces deux personnages sont donc les fils de deux sœurs de Pierre Vigond : Léonard Valchoumard est indiqué comme le fils de Marion Vigond et Jean Valchoumard, par contre nous ignorons de quelle autre sœur de Pierre Vigond Jean Boutin de la Richardie est le fils. Ces nouveaux arrivants dans le tableau généalogique donnent le résultat figurant en Annexe N°1.
Ce tableau montre que la position sociale des Vigond va évoluer par le jeu des mariages avec des familles bourgeoises, les Boutin, Neulet, Joussen, Valchoumard.
L’autre intérêt de cet inventaire réside dans la radiographie d’un petit relais de poste.

Composition et localisation du relais de poste de Cercles

L’inventaire

Suivons le parcours, dans la maison de feu Pierre Vigond,  du notaire Montozon accompagné d’abord de François Vigond, Léonard Valchoumard et Jean Boutin puis de deux « arbitres » pour évaluer le prix des animaux, un autre Montozon et Roux maître maréchal.
Dans la première pièce du rez-de-chaussée de la maison d’habitation, ils trouvent une table ovale et des chaises de menuiserie, deux lits avec toiles et matelas, placard et trois coffres, l’un avec du linge de table (trois douzaines de serviettes grosses et deux de nappes) l’autre avec deux douzaines de linceuls gros et deux de linceuls fins, le troisième contenant des papiers, achats de terres et autres biens, un livre contenant des quittances, ainsi que les (lettres de) provisions2 de poste de feu Pierre Vigond en date du 5 aout 1669 signées par Louvois3.
Dans un placard, ils trouvent 2 paires de sangles, une paire d’estriers, deux croupières, une têtière à brides neuve.
Toujours dans la première pièce ils trouvent six chaises de menuiserie garnies de toile toute usée et un tapis déchiré, un petit miroir accroché à la fenêtre qui donne sur le chemin qui va de Cercles à La Tour Blanche, un livre intitulé « La vie des saints », un peu de vaisselle : 4 grands plats, 4 communs, quatre assiettes communes et 18 petites et deux petites salières, une aiguière et son couvercle pesant 60 livres poix de marc4 , puis un fusil, deux pistolets et une épée, deux landiers de fer battu pesant 60 livres plus deux crémaillères avec une barre de fer traversant la cheminée, une plaque de fer au foyer de la cheminée et une poêle en fer pesant six livres.
Dans l’antichambre, un saloir de bois tenant 12 seaux5, une cruche à huile de quatre seaux.
Dans une autre chambre de plain-pied, une table avec tréteaux de menuiserie, un châlit tout usé, une maie à pétrir la pâte à pain de quatre boisseaux6 de contenance. Un grand coffre contenant 15 à 16 boisseaux dans lequel il y avait 8 livres de chanvre étoupe et trois de brins, deux marmites de 6 pintes chacune7, deux pots de trois pintes avec leurs couvercles, deux bassines de 2 seaux, 3 chandeliers et une lampe de cuivre pesant 5 livres, une paire de bottes avec leurs éperons forts usés. Plus une broche de fer, une poêle et six cuillères d’étain.
Dans la chambre suivante, une vieille méchante8 table, un buandier de terre avec sa chaudière de fonte tenant six seaux, une vieille armoire tout usée.
Montant à l’étage le notaire trouve dans une première chambre, trois lits avec chacun leurs couvertes, matelas, coites et traversins avec leur garniture de grosse Berguame9, une table ronde de menuiserie couverte d’un tapis de grosse Berguame, avec trois chaises toutes usées, une paire de landiers de 16 livres.
Dans l’autre chambre de plein pied, deux forts méchants châlits, une paire d’habits du défunt Pierre Vigond, l’un de drap gris presque neuf et l’autre de drap blanc tout déchiré et un méchant chapeau plus une paire de landiers pesant 15 livres. De là passant sur les galeries, le notaire accompagné de ses témoins passe dans une autre chambre de l’étage.
Ils y trouvent une table, trois grandes méchantes barriques et dix livres de laine.
De là ils montent au grenier dans lequel ils trouvent : une pipe de mesure10, douze boisseaux de froment, cinq boisseaux de baillarge11, dix de seigle, huit d’avoine et trois cruches d’huile tenant chacune cinq seaux.
En sortant du grenier et en descendant ils entrent dans un cabinet dans lequel ils trouvent l’enseigne et (sauvegarde?) du Roy toute déchirée, puis en descendant encore les degrés12 un cabinet dans lequel ils trouvent une paire de chaînes à attacher les bœufs et deux ruches tenant environ deux boisseaux chacune.
Descendant encore l’escalier, ils arrivent dans la cour et entrent dans l’écurie. Ils y trouvent deux chevaux et trois juments estimés par Jean Montozon et François Roux maître maréchal à cinquante écus13, plus leurs harnais estimés à 27 livres dix sols par lesdits arbitres. Dans le grenier à foin ils trouvent six charretées de foin provenant tant de la prairie de La Tour Blanche que du pré de Me Carrier. De là ils empruntent un courroir joignant l’écurie dans lequel ils trouvent une cuve sans cercle et trois méchantes barriques sans cul des deux côtés.
Ils se rendent ensuite dans la cave où ils trouvent trois barriques de vin pur et net, plus une demi-barrique de vinaigre plus six grosses barriques vides.
De là ils remontent dans la cour où se trouve le puits, et tous les appentis joignant le puits, où ils trouvent 150 fagots et une demi brasse de bûches. Ils traversent ladite seconde cour et entrent dans une grange où ils trouvent un pressoir à vin et une charrette de foin et une charretée de paille appartenant au sieur des Chabanes (Jean Vigond), oncle de François Vigond.
Le notaire Montozon et les témoins se rendent ensuite au village de la Roche où ils entrent dans une grange dans laquelle ils trouvent une paire de veaux estimés à cent livres, plus une charrette garnie ayant roues essieux et tout ce qui peut la rendre en état de service laquelle a été estimé par les dits arbitres à dix écus plus une charretée de foin.
De là ils se rendent dans l’étable aux pourceaux dans laquelle ils trouvent une truie et deux pourceaux estimés à 12 Livres, puis à la bergerie où ils trouvent 27 brebis.
L’inventaire se termine par les formules d’usage et il est signé14 en présence des frères Pierre sieur de la Treille et Jean sieur de la Bouyge Deladoyre habitants au village du Breuilh paroisse de Celle en Périgord, de François Vigond, Léonard Valchoumard, Jean Boutin, Montozon et des Deladoyre.

Cercles : un petit relais de poste

Cet inventaire est très éclairant, nous sommes en présence d’un relais de poste de petite taille, avec seulement cinq chevaux, ne faisant apparemment pas auberge. Ce constat de 1686 ne préjuge pas de ce qu’a pu devenir le relais de poste dans le demi-siècle suivant, mais, à part les relais situés sur des croisements de routes postales très fréquentées comme celle de Paris Bordeaux et Paris Toulouse, à la fin du XVIIe siècle, la plupart des relais de postes de la route postale Limoges Bordeaux devaient ressembler à celui de Cercles. Soixante ans après, la description du relais d’Aixe-sur-Vienne qui comptait dix chevaux, peut donner un aperçu de l’évolution de ces relais de poste.
Le deuxième constat que nous pouvons faire c’est que le maître de poste ne vit pas dans le luxe, le mobilier est simple mais qualifié de menuiserie, ce qui indique qu’il s’agit de tables et chaises sortant de l’ordinaire. Le seul objet « de luxe » est l’aiguière en métal pesant 60 livres de poix de marc.
Par contre la liste des acquisitions de terres et transactions diverses est importante (vingt sept) et va encore s’accélérer avec les deux générations suivantes.
Le maître de poste comme nous pouvons le voir possède une exploitation agricole complète  avec des vignes, des prés, des terres à céréales, de l’élevage.

La localisation du relais de poste

Deux indications nous permettent de le situer très précisément :
  • Dans la description de la première pièce du rez-de-chaussée il est indiqué à propos d’un miroir qu’il est accroché à La fenêtre qui donne sur la route qui mène de Cercles à La Tour-Blanche.
  • La deuxième concerne l’existence d’un puits : dans la cour où se trouve le puits
Dès lors aucun doute n’est possible, il n’existe qu’un seul puits à ce carrefour de routes, celui situé actuellement dans la petite cour jouxtant la Mairie. Le relais était donc situé dans le bâtiment de l’actuelle Mairie, au carrefour des routes de Cercles à la Tour-Blanche et de celle de Cercles à la Chapelle-Montabourlet. Les granges dont il est question dans l’inventaire n’existent plus elles ont été remplacées par d’autres au XIXe siècle, elles se trouvaient le long de la route qui mène à la Chapelle-Montabourlet, et on en trouve la trace sur le cadastre « napoléonien »15.

La route postale

Cette localisation permet de préciser le parcours des « chevaucheurs du roi » dans notre secteur. Arrivés par la route de Limoges à Bordeaux (la diagonale d’Aquitaine), à la sortie de la forêt de Saint Jammes, ils ne continuaient pas en direction de La Tour-Blanche, mais contournaient le village par le sud pour entrer dans Cercles, passaient au sud du château de La Tour-Blanche et rejoignaient de nouveau la route Limoges Bordeaux au niveau du bois des Halas.
Un autre document provenant « de par le Roy et nosseigneurs des requêtes du palais »16 nous donne d’autres indications sur le trajet à la sortie du bois des Halas en direction du relais suivant L’Ambaudie (Bertric-Burée). Il s’agit du descriptif de la châtellenie de La Tour-Blanche achetée par Thibaud de Labrousse comte de Verteillac en 1739 à Charles Adélaïde Sainte Maure et qui est mise en vente aux enchères, pour non-paiement des droits afférents à cet achat. Dans la description des biens attachés à la métairie du Feys17, il est question « d’une pièce de vigne appelée a las plantas confrontée au levant et midi au grand chemin de poste qui conduit de Cercles au Chalard18 ».

Une lettre de Briançon pour La Tour-Blanche à la poste de Cercles en 1710

Dernier élément glané au fil de mes recherches dans les actes notariaux, une lettre partie de Briançon le 5 février 1710 pour La Tour Blanche par la poste de Cercles (Annexe 5).
Il s’agit, bien que l’orthographe improbable rende le contenu obscur, d’une lettre d’un militaire en garnison à Briançon, écrivant à son frère. L’adresse est assez drôle, l’expéditeur rajoutant, entre autres fantaisies, des x à la fin des mots, ce qui donne :
Monsieur de Mourloux obergistrex à Latroublanche prochex de Serclex anperigor a latroublanche anangoumoix route de limogex
L’objet de cette lettre, difficilement interprétable concerne les dispositions à prendre concernant la vente d’un bien provenant sans doute d’un héritage. Le seul renseignement intelligible de cette lettre est l’indication à la fin de la missive :
« Londit que nous aurons dans le briançonnais la campagne (militaire) qui vient soixante-dix mille homme pour aller a Suze et a Fenestrelle »
En 1710 nous sommes dans les deux dernières années de la guerre de succession d’Espagne qui voit s’affronter Louis XIV à L’Angleterre, les Pays Bas, l’Autriche et le Duc de Savoie réunis. Briançon est une place importante dans le dispositif de défense des frontières sous Louis XIV, elle sera fortifiée sur les indications de Vauban (lors d’une tournée de celui-ci en 1700). Les deux villes de Suze et Fenestrelle dont il est question dans la lettre, seront échangées lors du traité d’Utrecht(1713) contre Barcelonnette.

Gabriel Duverneuil le 27 Juillet 2014

1 AD 24 : 3 E 143

2 La lettre de provision d’un office (dans ce cas l’office de maître de poste) est l’acte par lequel le roi (ou son ministre) octroie moyennant finance la charge et le titre d’une fonction à caractère administratif ou technique, le titulaire de cette charge est officier.

3 François Michel le Tellier Marquis de Louvois, ministre de Louis XIV surtout connu pour avoir été le ministre de la guerre, fût également surintendant général de 1664 à 1691 et a activement travaillé à établir le monopole des postes.

4 1 livre de poids de marc= 490 grammes

5 1 seau= 10 à 12 litres

6 1 boisseau = 12 litres

7 1 pinte= 0,95 litre

8 Méchante : en mauvais état, usagée. Ce terme revient souvent dans les inventaires de notaires.

9 Toile de Bergame : au XVIIe siècle on appelait ainsi une toile solide proche de la tapisserie, en provenance de Normandie (Rouen, Elbeuf). Ce type de toile était originaire de Bergame en Italie.

10 La pipe était une mesure de futaille, elle était variable selon les régions, la pipe de Cognac valait 600 litres celle de la Rochelle 593 litres.

11 Baillarge : orge de printemps

12 Degrés : escalier

13 1 écu = 3 Livres Tournois

14 Voir le fac-similé de la fin de l’acte en Annexe 2

15 Voir le détail du plan de cercles actuel et celui du cadastre « Napoléonien » en annexes 3 et 4

16 Bibliothèque municipale de Périgueux : fonds Lapeyre, 36 g

17 Feys : actuellement un hameau de la commune de Bourg des Maisons

18 Le Chalard : ancien passage à gué sur la retenue d’un moulin situé sur la Dronne à Ribérac


Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

Annexe 1


Généalogie des Vigond maîtres de postes à Cercles

Annexe 2

Fac-similé de la fin de l'inventaire des biens de Pierre Vigond avec les signatures


Annexe 3 et 4
Plans cadastraux du bourg de Cercles, actuel et napoléonien

plan Napoléonien
plan actuel





Annexe 5
Fac-similé de la lettre de Briançon pour La Tour Blanche à la poste de Cercles

Gabriel Duverneuil le 27 Juillet 2014

compte rendu de la journée du 6 juillet 2014



"Dimanche 6 Juillet environ 150 personnes ont participé  aux animations
proposées par le Club histoire Mémoire et Patrimoine de La Tour Blanche
et des environs.
Dans ce cadre les trois groupes qui se sont succédé pendant cette
journée ont assisté à une conférence d'environ 25 minutes  écrite par
Emmanuel du Chazaud et présentée par Gabriel Duverneuil sur "Pierre de
Bourdeille dit Brantôme et La Tour Blanche aux années de la Renaissance"
C'est ce texte, qui fût distribué aux participants, que vous trouverez
ci-après avec quelques photos supplémentaires.
Un grand merci à tous ceux qui ont contribué au succès de cette journée.
Gabriel Duverneuil   "
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Gabriel Duverneuil 11 rue de la Porte Latine 24320 La Tour Blanche
0553906341

                 Pierre de Bourdeilles dit BRANTOME
                        et LA TOUR BLANCHE

                                            aux années de la Renaissance.
   A l’occasion du quadri centenaire de sa mort (15 juillet 1614)


                  La Tour Blanche et Pierre de Bourdeilles seigneur de Brantôme 

Aux cotés de célèbres localités voisines,  Bourdeilles,   Brantôme,  Richemont … le village de La Tour Blanche est l’un des hauts lieux de la saga de Pierre de Bourdeilles dit Brantôme ; un lieu dont sa famille porte le titre de seigneur puis de baron depuis 1359 ; un lieu qui lui a été très cher et où il vint se reposer des fatigues de la guerre ; un lieu dont il a parlé en plusieurs passages de ses mémoires :
Lorsqu’il  évoque le mariage en 1518 de son père François, Sénéchal du Périgord avec Anne de Vivonne, « fort honneste et sage damoiselle d'une des bonnes et riches maisons de Guienne » il fait défiler de picaresques tableaux devant nos yeux :
« Ces noces, écrit-il, furent fort somptueuses et magnifiques, et bien fort aussi les amenances, qui se firent à La Tour-Blanche et à Bourdeille, car, ainsy que j'ay ouy dire à ma tante de Grézignat, allèrent au-devant de la mariée jusqu'aux portes d'Angoulême trois cens gentilhommes en deux bandes ; l'une menée par M. de Bourdeille, et l'autre par M. de Grézignat, son frère. Ceux de
M.de Bourdeille estoient vestus de grandes casaques de velours cramoisy à l'albanoise et les chevaux bardés de mesme; ceux de M. deGrézignat, de velours jaune, parce que c'estoient les couleurs de la mariée, jaune et rouge, le tout pourtant aux dépens de mon père. La mariée estoit montée sur une hacquenée blanche, harnachée de velours cramoisy et argent fort superbement ; et la faisoit très beau voir à cheval..., et six damoiselles après elle, toutes montées sur hacquenées que mon père avoit données, avecques harnois de velours noir. Elle avoit aussi trois pages, dont un de la maison de Lammary, parent de la maison de Bourdeille], qui estoient vestus de velours rouge pourpre, doublé de blanc, avecques des bandes de velours noir bordé d'argent, parce que c'estoient les couleurs de la maison de Bourdeille : blanc, rouge et noir. Bref, le convoy de ces nopces fut des plus pompeux et superbes qu'on avoit veu il y avoitlongtemp en maison de Guienne » Brantôme rappelait ensuite son séjour, « estant fort petit garçon », à la Feuillade, photo n°1, maison de plaisance dépendant de La Tour-Blanche. Il est d’ailleurs frappant de voir la similitude d’écriture architecturale entre les tours de La Feuillade et celle de Richemont photo n°2 et tentant se supposer que les mêmes constructeurs ou architectes y ont oeuvré.
Il relate plus loin la contestation féodale que la châtellenie de La Tour Blanche suscita à François de Bourdeilles, son père, « et la sentence par défaut rendue sur la poursuite des gens du Roi au siège d'Angoulême, prononçant saisie de la terre, faute de service dans l'arrière-ban, et la belle résolution qui porta feu le baron de Bourdeille à désavouer son procureur, parce qu'en exécution de ladite sentence, il avoit présenté un homme d'armes, et à comparoitre en personne pour offrir un simple archer, suivant le devoir de son fief ».
On apprend ensuite que Brantôme fut en procès avec son neveu Henri de Bourdeilles, issu du mariage du sénéchal, André, son frère, avec Jacquette de Montbron. Ils finirent par transiger « Je me contentai seulement, dit le chroniqueur, de la jouyssance de La Tour-Blanche, à mon regret pourtant. » Il se plaignait amèrement de son neveu, dont il raconte encore le trait suivant :
« Un jour, estant à La Tour-Blanche, dans la sale, il dit tout haut, devant force gentilhommes et autres, sur le subject qu'il n'avoit obligation à homme au monde qu'au sieur de Marouatte, qui lui avoit faict avoir la résignation à M. de Périgueux de son evesché,(il s’agit de François de Bourdeilles, cousin germain de Brantome, qui fut évêque de Périgueux de 1578 à 1600) pour l'y avoir poussé et persuadé, dont je cuydoy partir de collère contre lui ; mais je me commanday et m'arrestay de peur d'escandale, lequel mondict evesque j'avois faict et créé tel par la nomination et brevet du Roy. Car ce fut moy qui la luy demanday pour mon frère et pour moi, ayant veu ledict évesque un chétif petit moyne de Sainct-Denys, et l'avoir ainsi créé tel contre l'opinion de Mme de Dampierre, ma tante, qui ne le vouloit, en me disant plusieurs fois que j'en maudiray l'heure de le colloquer en si haut lieu « ce vilain moyne », usant de ces propres mots, et que son père avoit foict souvent pleurer ma mère. Croyez que ceste honneste dame prophétisa bien ce coup, car il fut aussy ingrat en mon endroict que son cousin, ledict M. le vicomte, que ceste fois m'alla payer de ceste sorte, pour n'avoir obligation qu'au sieur de Marouatte, nullement, certes, comparable à moy en obligation ny en valeur et mérite, pour n'avoir esté jamais autre qu'un amasseur de deniers, et que j'ay veu parmy les bonnes compaigniesqu'on nommoit que Petit brodequin, nom à luy donné par MM. de Coutures et La Borie Saunier...»
Vers 1613, Brantôme, faisant son testament, n'oublia point de laisser un souvenir à ceux de La Tour-Blanche dont il avait employé les services : « Je lègue à tous mes serviteurs et servantes, demeurant tant à La Tour-Blanche, Richemond que Brantôme, qui se trouveront lors de mon trépas, la somme de 550 livres une fois payée »;
Brantome qui était usufruitier de La Tour Blanche y avait beaucoup résidé, et même encore après son installation à Richemont.
Brantome et la famille de Bourdeilles firent d’ailleurs d’importants travaux dans leur château de La Tour Blanche et les deux ailes Nord et Ouest, quoique laissées bien insérées dans leurs tours du 14ème siècle, furent quasiment reconstruites dans le gout italianisant de la Renaissance. Ces ailes furent en parties démolies lorsque l’arrêté de démolition pris en 1793 par le conventionnel Lakanal reçut un commencement d’exécution qui  fut heureusement interrompu par les évènements, ce qui épargna le donjon, l’aile Sud et l’une des 4 tours photo n°3 . Une fenêtre de l’aile Nord, devenue simple grange, garde un chambranle  à crossette sculpté de fines rosace qui témoignent de l’opulence et du raffinement de ces travaux.
Albert Dujarric-Descombes souligne d’ailleurs (en 1908) que le château de La Tour Blanche était en état de recevoir un hôte royal et sa suite puisqu’en 1544 vint y séjourner Henri d’Albret, roi de Navarre, époux de la sœur de François 1er et grand-père d’Henri IV.
Il faut noter que La Tour Blanche est alors la résidence principale de la famille de Bourdeilles ; le château de Bourdeilles n’est en effet qu’une très austère forteresse médiévale quasi inhabitable et que logis Renaissance qui permettra leur réinstallation ne sera édifié qu’à l’extrême fin du 16ème siècle.
Jean Bertaud
A la même époque faisons connaissance avec un  proche et un  conseiller éclairé de François de Bourdeilles et de son fils André, frère de Brantome : l’humaniste Jean Bertaud, seigneur de Pouzols et des Hélies, né à La Tour Blanche en 1502 et que l’historien Albert Dujarric-Descombes nous présente comme « un des plus distingués enfants de La Tour-Blanche. Dès l'âge de 19 ans, après avoir obtenu le grade de licencié en droit, celui-ci avait été pourvu de l'office de sénéchal de la châtellenie de La Tour Blanche. Il professa dans la suite la littérature à Paris et le droit à Toulouse. Il doit figurer avec honneur parmi les érudits bibliophiles de la première moitié du XVIe siècle. Il est principalement connu par son « Encomium de cultu trium Mariarum », livre si recherché pour ses gravures sur bois ; la découverte, signalée par moi en 1900, de son ex-libris photo n°8 , où il avait fait graver l'image de Saint-Jean-l'Evangéliste, son patron, a donné à son nom un regain de célébrité. »
Notons que Jean Bertaud  professa le droit à Toulouse à l’époque ou il semble que  Montaigne y étudia cette discipline, ce qui laisse penser qu’il en fut le professeur.
Jean Bertaud fit construire son manoir des Hélies à Bourdeilles photo n°4 selon une architecture qui évoque de façon intéressante notre manoir de Nanchapt  photo n°5 .
Terminons notre évocation au sujet de ce dernier.


La manoir ou  « hostel » de Nanchapt
Cette demeure, dans l’état où elle nous est parvenue, date en grande partie du début du 17ème siècle et appartenait alors à Louis Mérigat, seigneur de Beaulieu, gendarme de la garde du Roi et l’un des 100 gentilshommes de sa Maison, ainsi qu’à son épouse Jeanne Carrier.
Sybille Mérigat, leur fille se marie en 1636 à la Tour Blanche avec Bernard d’Abzac de Ladouze, baron de Montanceix, qui appartient comme les Bourdeilles, à l’une des plus grandes familles du Périgord. Notons que les alliances ne se font pas au hasard : l’arrière grand-père du marié Pierre d’Abzac était déjà venu prendre épouse en août 1526, au château de La Tour Blanche avec Jeanne de Bourdeilles, sœur du père de Brantôme.
 La demeure de Nanchapt, qui ne porte pas encore ce nom passe à leur fils Jean d’Abzac de Ladouze, qui la vend en 1673 à un de ses parents maternel : Jean Carrier, seigneur de Nancré en Gâtinais. Sa fille Marie Carrier de Nancré qui a épousé en 1663 un voisin Henry Grand de Teinteillac, sieur du Pouzet  originaire du château de Teinteillac (commune de Bourg des Maisons), va hériter de la demeure. Ainsi s’explique l’arrivée à La Tour Blanche de cette branche qui va prendre le nom usuel de Grand de Luxolière de Nanchapt. Nanchapt a fini au 18ème siècle par donner son nom à la demeure.
Cette branche s’éteignit au milieu du 19ème siècle. M. Grand de Luxolière de Nanchapt n’eut pas de descendance.
La plus vieille appellation connue est celle de « maison du Marché Dieu », en rapport avec la place du même nom qui est à proximité immédiate, où se tenaient les foires et marchés. En 1896, l’historien Albert Dujarric-Descombes utilise toujours cette dénomination alternativement avec celle d’hôtel de Nanchapt, tandis que son confrère à la Société Historique, dans un même article, parle de « maison noble ou manoir de Nanchapt ».

C’est non pas « dans la ville » mais dans ce que l’on appelait  alors les faubourgs de La Tour Blanche, c’est-à-dire dans une extension urbaine à l’extérieur des remparts de la ville, que fut implantée la demeure. Ce type d’implantation était ancien puisque à proximité immédiate, au Nord, se trouve une petite maison à arcature datable du 13ème siècle.
La jonction du logis Est sur la tour indique clairement que la construction de la tour est antérieure à celle du logis.


Premier logis :
Le logis Est fut bâti en premier, dans une manière qui évoque tout à fait le Style Flamboyant du 15ème siècle, mais qui dans le contexte local semble plutôt devoir être rapporté à la 1ère moitié du 16ème .  Cet esprit médiéval est encore non seulement celui du parti en plan - avec 2 logis principaux à murs pignons latéraux s’articulant en équerre sur une tour d’escalier intérieurement circulaire et extérieurement polygonale - mais aussi celui des détails architecturaux encore sous l’influence de la gouaille gothique. Hautes lucarnes à fronton en pinacle couronnées de sculptures truculentes, animaux domestiques, personnages à califourchon, percées de généreuses croisées de meneaux, avec leurs appuis à angles très ouverts, porte d’entrée couronnée d’une accolade curieusement guindée (ce qui traduit sans doute sa réalisation tardive…)
Deuxième logis :
L’aile Nord, celle de la galerie, était manifestement prévue dès la construction du logis Est ; c’est du moins une déduction logique à tirer de la position de la tour d’escalier.
Cette aile Nord a-t-elle été effectivement réalisée et détruite ou gravement endommagée ? L’hypothèse d’un avatar lié au siège de La Tour Blanche et au sac de la ville en 1569 peut être évoqué… De nombreuses traces de canonnades grêlent l’édifice, mais leur présence sur l’aile la plus récente prouve leur date postérieure et doit les rapporter aux troubles de la Fronde en 1651, qui furent brefs mais violents à La Tour Blanche.
Toujours est-il que des traces de suture et de reprise de maçonnerie sont très nettement lisibles sur les soubassements de la façade Nord du logis Nord. Cette aile Nord est assez caractéristique du style déjà classique de l’extrême fin de la Renaissance, encore très attachée aux baies à meneaux et traverses mais déclinant déjà tout le vocabulaire de moulure hérité de la tradition gréco-romaine.
L’identité de volumétrie est aussi frappante entre les 2 logis que leur différence de manière : si l’aile Est est toute sobre, formée d’un simple rectangle, mais agrémentée de détails traités avec l’humour du moyen-âge du Moyen-âge photos n° 6 et 7 ,  l’aile Nord est au contraire décorée selon un vocabulaire assez retenu, presque rigide, mais la volumétrie est agrémentée de nombreuses et souriantes variations :
-    à l’angle Sud-ouest, complétant le plan en L pour initier un pas vers un plan en quadrilatère, est lancé une petite aile plus basse et presque miniature en terme de proportions : la chapelle.
-    Le long de la façade Sud est accolée cette élégante et charmante galerie couverte constituée de 3 arcades en segment d’arc de cercle reposant sur des piliers circulaires que nous admirons.
-    A l’angle Nord-Est vient se développer une frêle tourelle couverte en pavillon, aux niveaux marqués de manière déjà classique par de simples bandeaux plats.

Evoquons la petite énigme que représente pour le visiteur la cavité visible au milieu du versant Sud de la toiture, à la hauteur du faitage. Interrogez un passant et, à condition qu’il soit autochtone, il vous apprendra qu’il s’agit de la cheminée d’aération et de l’unique et bien faible source de lumière des oubliettes où le seigneur du lieu enfermait ses sujets… Ce mythe fut même enseigné un temps à l’école locale dans les années 1950. La présence de la fosse d’aisance et des WC à chaque niveau suffit à nous renseigner de façon plus pragmatique sur la nature originelle exacte du dispositif. A la fin du règne d’Henri IV, Mr Mérigat de Beaulieu, qui avait un sens aigu du confort, afin de canaliser vers les hauteurs les fumets produits par ces lieux particuliers dits « d’aisance », que l’on appelait plus simplement autrefois « les lieux », et d’éviter que leur pestilence ne se répande dans la demeure entière (grave problème dont la solution était souvent le bout du jardin, mais il fallait accepter en ce cas la distance à parcourir),  avait fait aménager cette sortie de toiture. La trace d’un ancien toit intérieur partiel indique bien qu’une partie de la colonne était occupée par les latrines à chaque niveau, le restant constituant la cheminée d’aération sur toute la hauteur du bâtiment. Ce dispositif encore observable dans ses détails d’origine constitue un témoignage archéologique rarissime.

Ainsi se termine cette évocation de la Renaissance à La Tour Blanche, avec l’humaniste Brantôme comme fil conducteur. Nous espérons que cela vous donnera envie d’aller voir de plus prés tous ces lieux, visibles depuis la voie publique, La Feuillade, les Hélies ou ouverts au public, les châteaux de Bourdeilles et Richemont.


Emmanuel du Chazaud

photo n° 2 Château de Richememont

 6 Le manoir de Nanchapt              
7  Le manoir de Nanchapt

        Photos n° 6 et 7


                                     Photo n°5   Le manoir de Nanchapt

photo n° 8 L'ex libris de Jean Bertaud serait le plus ancien ex libris connu

     Photo n° 4  Le manoir des Hélies construit au 16éme siècle par Jean Bertaud

               Photo n° 1      Le manoir de la Feuillade commune de Cherval

Photo n°3    Château de la Tour Blanche


Quadri centenaire de la mort de Pierre de Bourdeille.


                                La Tour Blanche en fête.

   Les festivités de la Félibrée de Verteillac à peine terminée, La Tour Blanche prend le relais et déploie ses fanions rouge et or et ses guirlandes de fleurs dans les rues du village pour honorer le plus dignement possible un de ses grands hommes. En effet Pierre de Bourdeille dit « Brantôme » évoque à de multiples reprises dans ses écrits le village et le château médiéval qui devint propriété des seigneurs de Bourdeille à partir de 1359 et le restera jusqu’en 1700. 

 Les bénévoles du Club histoire Mémoire et patrimoine et de l’amicale s’activent pour décorer le village pour Le Dimanche 6 juillet pour accueillir dignement les participants au circuit intitulé : « Promenade Renaissance sur les pas de Brantôme »



En effet dans le cadre de cette commémoration nationale un parcours d’une journée a été organisé qui conduira les participants, dument accompagnés et guidés, sur les sites historiques de Bourdeilles, La Tour-Blanche et Saint Crépin de Richemont, dans chaque village des animations différentes leurs seront proposées.


A La Tour Blanche, la chorale du village rendra un hommage musical à Pierre de Bourdeille qui sera suivi d’une conférence de vingt minutes sur « Brantôme et La Renaissance à La Tour Blanche » et se terminera par des combats d’escrime en costumes Renaissance ponctués lectures de textes de Pierre de Bourdeille par les comédiens-escrimeurs de la compagnie « La Brette noire ».



Les passages dans chaque village se feront à 10h30, 14h30, 16h30.
Si vous souhaitez faire le circuit complet, il faut réserver au N° suivant : 05 53 05 80 79
Les participants à ce tour des châteaux ou vécu Pierre de Bourdeille pourront se restaurer « Chez Fernand » situé dans le centre du bourg qui proposera un « menu spécial Brantôme » à 18€. Réservations au 05 53 90 36 59 

Décoration du château de Nanchapt